L'apôtre des prisons


Fait unique et exceptionnel dans les anales de notre diocèse : le 3 juin 2012 sera célébrée à Besançon, la béatification du frère dominicain Marie, Jean, Joseph LATASTE.   Que nous vaut un tel  privilège ? Très simplement qu’il repose en terre comtoise depuis sa mort le 10 mars 1869  entouré des toutes premières dominicaines  de l’ordre de Béthanie, au couvent  de Frasne le Château près de  Gy en Haute Saône . Quelques années plus tard, les sœurs trouveront refuge  à Grandfontaine, près de Besançon ; elles emporteront avec elle la dépouille de leur fondateur.

Peu de franc-comtois connaissent ce futur bienheureux : il ne faut pas s’en étonner ! Une des grandes caractéristiques ou qualités des dominicaines de Béthanie est de se faire le plus discrètes possible ! Cette discrétion est liée à leur histoire, celle de leur Fondation.

Tout commence dans une prison de femmes en septembre 1864 à Cadillac en Gironde. Tout jeune dominicain,  ordonné prêtre à Marseille le 8 février 1863 et  assigné au couvent de Bordeaux, Le frère LATASTE est envoyé prêcher une retraite à 400 femmes condamnées au silence absolu  dans cette  centrale qu’il connait bien ; Alcide Lataste est né dans cette bourgade le 5 septembre 1832, dernier des 7 enfants de Vital et Jeanne Grassiet. Comme prédicateur,  Il franchit le seuil de cet établissement pénitencier   avec appréhension.

Les détenues travaillent en silence toute  la journée. Pour suivre la retraite, elle rognent sur leur temps de repos, se lèvent à 4 heures du matin et se couchent deux heures plus tard qu’à l’ordinaire. Le Père leur propose une nuit d’adoration : il imagine un tour de présence  de deux ou trois détenues se relayant devant le Saint Sacrement. Elles seront  400 à passer la nuit en adoration dans cette chapelle qui devient pour le Père LATASTE  le lieu d’une révélation déterminante pour lui : «  j’ai vu cette prison, objet de tristesse et d’effroi pour les hommes transformée cette nuit en un lieu de délices, en un séjour de gloire et de bonheur ».

Saisi par la foi de certaines de ses  recluses à la très mauvaise réputation, s’impose à lui le projet de leur offrir une famille religieuse : «  Quelque soit votre passé, ne vous considérez plus comme des prisonnières mais comme des âmes vouées à Dieu, vous aussi. A la suite des âmes religieuses, dites à Dieu : les hommes me retiennent ici de force,  je me donne à vous de plein gré,  pendant dix, pendant vingt ans ; Je veux être uniquement à vous,  je veux être à vous pour la vie ».

A leur sortie de prison, après avoir purgé leur peine, Marie Jean Joseph  propose à celles qui le désirent de vivre leur idéal de consécration à Dieu, dans un même couvent que des religieuses vierges, sous  le même genre d’habit, celui de ST Dominique, afin que rien ne distingue jamais les unes des autres, qu’elles s’accueillent mutuellement et avec miséricorde comme sœurs sans tenir compte du passé, sans jugement, dans la discrétion :  un projet courageux et audacieux pour l’époque qui prend corps en 1866 avec la collaboration d’une religieuse de la Présentation de Tours,  Sœur Henri-Dominique ( 1822-1907). Le Père Lataste reçoit une maison adaptée à son œuvre à Frasne le Château : c’est ainsi que sa fondation prend racine chez nous avant d’étendre ses ramifications en Italie, Suisse, Allemagne, Pays bas, Etats-unis dans la prison de Norfolk, Massachusetts, où une fraternité laïque Notre Dame de Miséricorde est née dans le couloir de la mort de ce pénitencier.

Conseil de lecture : «  Ces femmes qui étaient mes sœurs …. » de Jean-Marie GUEULLETTE  au CERF.

                                                                                                              Père François Boiteux

Tiré des magazines du doyenné du Haut-Doubs Forestier, décembre 2011